Les jeux de plates-formes - Part 1 Véritables machines à créer des stars de pixels -Mario, Sonic, Lara Croft, etc-, les jeux de plates-formes ont, depuis leur naissance, initié les orientations commerciales et conceptuelles majeures des loisirs interactifs. Rétrospective et best-of de ce genre fondateur. Contrairement aux apparences (souvent trompeuses), "le meilleur jeu de plates-formes de tous les temps n'est pas sur 32 bits. Il s'appelle Yoshi's Island", dixit Joypad, fin 95. Cette affirmation, qui peut prêter à sourire depuis les débauches d'effets 3D des Tomb Raider (PS, 96) et autres Rayman 2 (PC et N64, 99), serait-elle devenue erronée ? Pas si sûr... Reprenons tout depuis le début. Les jeux de plates-formes plaisent, c'est un fait. A vrai dire, tout joueur digne de ce nom est passé un jour ou l'autre par un jeu de plates-formes. Obligatoirement. Revenus en force ces dernières années après un passage à vide (supplantés par les jeux de baston et de caisses), ceux-ci sont souvent à l'origine d'évolutions, notamment en termes graphiques -passage 2D/3D pour le plus marquant. Néanmoins, de Super Mario Bros (NES, 85) à Ape Escape (PS, 99), il n'y a qu'un pas. Certes, la forme change, mais le fond demeure. Donkey Kong L'un des premiers jeux de plates-formes, et l'un des plus illustres, est Donkey Kong (arcade, 81). Son héros est un petit plombier moustachu, alors appelé Jumpman, et destiné à devenir mondialement célèbre sous le nom de Mario. Sa bien-aimée a été capturée par Donkey Kong, un primate fort inspiré de King-Kong qui a bien fait du chemin depuis. Le principe de jeu est simple, mais formidablement accrocheur : escalader des plateaux légèrement penchés, reliés par des échelles, en prenant soin d'esquiver les tonneaux que Donkey lance sur vous. Donkey Kong peut ainsi se targuer d'être le véritable instigateur des jeux de plates-formes. Suivent une flopée d'autres titres, de qualité parfois douteuse (et limite plagiat de DK), dont l'incontournable Lode Runner (Apple 2, 82), le jeu qui a donné naissance à l'expression même de "jeux de plates-formes", l'action étant vue en coupe. Pierres angulaires du genre, Donkey Kong et Lode Runner en ont établi les codes. En 1985, Mario fait un come-back réussi avec le fabuleux succès de Mario Bros -la plus grosse vente de l'histoire des jeux vidéo avec environ 40 millions d'unités écoulées-, un jeu fondateur qui initie des principes aujourd'hui évidents, mais complètement inédits à l'époque : les warp zones, les stages bonus, les pouvoirs spéciaux, etc. Des principes qui feront évidemment école. Au point que l'on peut légitimement considérer Mario comme l'un des titres les plus influents jamais créés, aux côtés des Space Invaders, Doom, Civilisation ou Zelda 3. La renommée et la fortune de Nintendo sont donc acquises. "Mario est plus connu que Mickey", c'est ce qui ressort d'un sondage réalisé aux Etats-Unis au début des années 90. Révélateur, mais prévisible étant donné l'ampleur du phénomène : en 1988, le nombre de cartouches Mario vendues a atteint les 50 millions, et il dépasse désormais les 150 millions ! Mario Bros Dans la deuxième moitié des années 80 explose un genre hybride, absolument jouissif car apparenté aux shoot'em up : le jeu de plates-formes/action. La popularité de ce genre est à son apogée pendant cette période, avec des titres littéralement légendaires comme le Ghost'n Goblins de Capcom (arcade, 85), ou les Contra (Probotector en occident, arcade, 87) et Castlevania (arcade, 87) de Konami. Baignant dans des atmosphères tranchant avec la production habituelle de l'époque (tendance médiévale pour Ghost'n Goblins, apocalyptique pour Contra, horrifique pour Castlevania), ces trois jeux donneront lieu à de plus ou moins prestigieuses suites, parmi lesquelles des versions SNIN essentielles, encore inégalées aujourd'hui dans leurs genres (Super Ghouls'n Ghost, Contra 3 et Castlevania 4, tous trois de 91). Malheureusement, le jeu de plates-formes/action est pratiquement mort depuis l'arrivée des 32 bits, si ce n'est sur des machines marginales comme la Neo Geo, où les deux superbes et frénétiques Metal Slug (96 et 98), portés par un très grand sens du détail et de l'humour, faisaient figure de chant du cygne du genre. Entre l'incapacité des développeurs à transposer en 3D l'immédiateté et le fun des jeux d'action en bitmap, et leur énervante frilosité (associée à celle d'une grande partie du public) quant à la 2D, les raisons de ce déclin ne sont guère difficiles à trouver. De 90 à 96, Super Mario 3 (NES, 91), Sonic (MD, 91), les deux premiers Goemon Fight (SFC, 91 et 93), Earthworm Jim (SNIN et MD, 94), Donkey Kong Country (SNIN, 94), Yoshi's Island (SNIN, 95) et Mario 64 (N64, 96) sont autant de révolutions conceptuelles, techniques et esthétiques dans les jeux de plates-formes. Super Mario 3 introduit le principe de la carte où l'on avance de niveau en niveau comme dans un jeu d'aventure. Sonic défie les lois de la pesanteur et du gameplay avec sa vitesse de scrolling vraiment hallucinante. Les Goemon Fight de Konami, s'appropriant des éléments directement issus des RPG (villages, argent, équipement, etc), proposent moult mini-jeux -une trouvaille géniale et maintes fois reprise ensuite. Avec ses gags (la célèbre vache propulsée dans les airs, le combat avec un poisson rouge dans son bocal...) et son animation fluide et inventive, Earthworm Jim s'impose, dans la lignée parodique des PC Kid de la NEC, comme le jeu le plus absurde, le plus drôle et le plus délirant jamais pensé. Donkey Kong Country séduit par sa qualité graphique sans précédent et son ambiance sonore fascinante et tribale. Yoshi's Island surprend, éblouit et remet en question les fondements du genre à chacun de ses niveaux. Mario 64 atteint à une compréhension quasi parfaite de la 3D, offrant une saisissante liberté d'action et de mouvement, et ouvrant la voie à toute une nouvelle génération de softs. L'un des jeux majeurs de la décennie. Une excellente jouabilité (configuration instinctive, temps de réponse minimum, rigueur des collisions) et une bonne gestion des angles de vue (depuis le passage à la 3D) sont les deux conditions nécessaires à la réussite d'un jeu de plates-formes (et cela vaut aussi pour tous les autres types de softs). Mais ce n'est pas suffisant. Les vrais hits se distinguent surtout par leur capacité à amuser toujours davantage le joueur. Comment ? Tout simplement en variant constamment les situations rencontrées. Pour ce faire, l'une des solutions les plus prisées en ce moment est d'inclure de courts mini-jeux, conviviaux et au principe évident. Le tout récent Donkey Kong 64 (N64, 99) est un exemple s'il en est de cette tendance: course d'obstacles, simu de F1 (simplifiée à l'extrême) ou parcours en wagonnet y distraient le joueur, trop habitué d'ordinaire à collecter des bananes et autres pièces d'or, qui ne font en rien avancer le schmilblick. La version originale de Donkey Kong, ainsi que Jetpac, le premier jeu de Rare (ZX Spectrum, 83), sont même inclus dans DK 64 ! Donkey Kong 64 A l'heure d'aujourd'hui, certains développeurs se sont donc rendus compte qu'une certaine diversité est appréciable dans un jeu de plates-formes. A ce titre, Rayman 2 est consternant de répétition. Une fois l'aventure finie, il n'y a plus grand intérêt à refaire le jeu, puisque les divers rebondissements sont déjà connus. Mais un bon jeu de plates-formes nécessite également une dose congrue d'action et d'aventure, avec des énigmes, des problèmes à résoudre, et -très important- un nombre d'ennemis suffisant. Rien de pire que de traverser un monde vide, fade et sans vie. Par ailleurs, si l'interactivité doit être à son optimum pour favoriser l'immersion du public, il faut avant tout un but, une finalité aux actions menées pendant le jeu, lequel se doit d'être une sorte de quête du Graal virtuelle. Il s'agit donc de poser (rapidement) les caractéristiques du (ou des) protagoniste(s), de proposer un élément perturbateur et d'établir une cohérence dans les niveaux proposés. Le problème vient souvent du fait que les thèmes sont trop récurrents. La plupart des jeux de plates-formes proposent ainsi leurs sempiternels niveaux enneigés, dans le désert, à la plage, sous l'eau ou encore dans un volcan. Même les meilleurs possèdent cet écueil. Fort heureusement, certains tirent leur épingle du jeu en proposant des univers forts, particuliers, et uniques dans leurs genres (Space Circus, Pandemonium ! ou L'Odyssée d'Abe). Certains jeux de plates-formes ont un charme indescriptible, une atmosphère singulière, une âme en somme. Si un jeu aussi banal, creux et suranné que Donkey Kong Country a été autant apprécié, c'est parce que ses ambiances ont un vrai cachet. Depuis l'émergence des jeux de plates-formes/action, le métissage des genres est monnaie courante. Les jeux de plates-formes purs et durs, dans la lignée des deux premiers Mario japonais, sont désormais rares. La génération 16 bits a vu naître une foule de ces jeux hybrides qui accommodent la plate-forme à des sauces diverses: réflexion pour Actraiser (SNIN, 91), Lost Vikings (SNIN et MD, 93) ou Krusty's Super Fun House (SNIN, 93), aventure pour Demon's Crest (SNIN, 94) ou le formidable Flashback (SNIN et MD, 93)... Et avec la domination de la 3D, ce mouvement ne s'est pas démenti. Certains jeux classés dans une catégorie précise empruntent en réalité beaucoup à la plate-forme (voir Zelda 64, N64, 98, a priori considéré comme un action-RPG), et d'autres, que l'on classerait bien volontiers dans la plate-forme, sont parfois assez éloignés de leur genre initial (un Mario 64 ou un Banjo-Kazooie doivent énormément au jeu d'aventure, dont ils ont traduit certains principes en 3D). Actraiser Ce rapprochement progressif des genres est un moyen pour les développeurs de défricher les gigantesques potentialités de la 3D, en donnant au joueur une marge de manoeuvre croissante dans des univers toujours plus riches et complexes. Exemple : à partir de l'ossature usée de Tomb Raider, Urban Chaos (PC et PS, 99) a établi un concept nouveau, où se télescopent le beat'em all, le jeu de course et le jeu d'aventure. Bien que perfectible, ce soft contient, en germes, l'avenir des jeux de plates-formes. Un genre que l'on ne retrouvera probablement plus jamais à l'état brut. Reste à savoir s'il faut s'en réjouir, ou regretter la simplicité et le minimalisme des pionniers. Vous voulez réagir à cet article ? Contactez-nous : vos critiques, vos apports, vos réflexions nous intéressent au plus haut point ! Précisez le nom de l'article dans le titre de votre mail. |
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